Annoncé en 2021, Lies of P a alors interpellé. Les équipes de Neowiz et de Round8 Studio proposent une réécriture de l’histoire de Pinocchio. Exit l’animation colorée de l’adaptation réalisée par Disney puisque c’est du côté de la dark-fantasy que Lies of P montre le bout de son nez. Dans le conte original écrit par Carlo Collodi, Pinocchio est une marionnette de bois qui veut devenir un vrai petit garçon. En proposant une version vidéoludique directement inspirée des meilleurs travaux de FromSoftware, Neowiz et Round8font font faire au pantin le plus le connu du monde un pas de géant. De quoi l’installer dans la cour des grands ?
Depuis son annonce il y a deux ans, Lies of P nourrit moultes interrogations. Que peut bien valoir un jeu vidéo mélangeant un conte pour enfants avec les codes des jeux FromSoftware ? Le public s’est alors naturellement divisé en trois parties. La première dubitative de voir un tel mélange mais prête à lui laisser sa chance ; la seconde ne croyant qu’à une énième mauvaise copie des jeux Souls. Tout au long des 33 heures nécessaires pour boucler l’aventure une première fois, un sentiment est revenu sans cesse. Celui de se dire “purée, j’ai quand même l’impression de jouer à un jeu FromSoftware”. On vous explique comment à travers quatre aspects majeurs.
C'est quoi le synopsis ?
Lies of P commence avec le réveil de Pinocchio dans un train à l'arrêt. Il est alors guidé par une entité nommée Gemini qui l'engage à chercher son père, Gepetto. Il va devoir alors progresser dans la ville de Krat, complètement à la merci des marionnettes qui se sont rebellées. Un début d'histoire classique mais qui introduit efficacement tout un lore que l'on suit avec intérêt.
Quand Sekiro et Dark Souls rencontrent Pinocchio
De manière évidente, c’est tout d’abord le gameplay de Lies of P qui rappelle sans mal les jeux FromSoftware. Le protagoniste peut attaquer avec son arme, faire des roulades pour esquiver ou encore utiliser la fable : la magie du jeu servant à utiliser des techniques particulières. Une manière de jouer classique à la Dark Souls. Mais Pinocchio a plus d’un tour dans sa manche. Parer les coups adverses peut faire perdre à l’ennemi sa posture si c’est réalisé avec le bon timing. Le bras mécanique de P ajoute aussi quelques gadgets utiles en combat : il y a donc aussi un peu de Sekiro dans Lies of P. Tout cela sans compter mentionner le système d’exécution ou encore la rigidité des animations propre aux FromSoftware.
À ce sujet, Lies of P impose la même exigence et reste très punitif. Il y a bien évidemment les boss qui peuvent vous faire disparaître d’un coup d’épée : il faut s’y reprendre à plusieurs reprises afin d’être habitué au rythme imposé par chacun. Si l’on reviendra plus tard sur la personnalisation de notre protagoniste, on peut déjà saluer les efforts mis sur chacun des affrontements majeurs du jeu. Ils sont tous différents et poussent à la réflexion pour en arriver au bout.
Et si les combats ont aussi autant de saveur dans Lies of P, c’est grâce à leur tension sous-jacente. Chaque affrontement est un duel. On se jauge par le regard avant de passer à l’attaque. Il faut savoir être patient (l’agressivité pure et dure est rarement une solution), ce qui a tendance à rallonger les combats tout en augmentant leur nervosité. Une sensation de joute renforcée par la forme. Il y a un soin autour du bruitage. Chaque coup possède un impact particulier. Il faut donc souvent s’y reprendre à plusieurs fois pour triompher. Mais la sensation de puissance qui découle de la victoire en est d’autant plus jouissive.
Pulsations & Stargazer
On l'a dit et on le redira : Lies of P s'inspire énormément de la formule des FromSoftware. Nouvelle preuve de cette inspiration : le système de pulsations et de Stargars. Les pulsations permettent de soigner votre personnage, mais son utilisation reste limitée. Une fois vide; l'accumulateur de pulsation se recharge lors des combats (exécution, garde parfaite, simples attaques...), ajoutant une couche de tension jouissive lors des boss. Sinon, il se recharge grâce aux Stargazers : ce sont l'équivalent des feux de camps. Ils permettent de se soigner, de se téléporter d'un stargazer à un autre et de procéder à tout un choix de changements pour son personnage. Son défaut ? Il fait également ressusciter les ennemis préalablement vaincus.
Un jeu qui arrive à mentir sur sa structure
Lies of P adapte donc à sa sauce et avec efficacité les combats des FromSoftware. Un constat que l’on peut faire aussi pour la structure de l’exploration. L’aventure est scindée en une dizaine de chapitres, chacun ayant son propre biome. S’il doit souvent de suivre des couloirs ou des rues, le joueur est sans cesse sollicité dans son périple. On tombe sur des coffres, on trouve des échelles ou des portes à activer pour créer des raccourcis. Le danger, présent à chaque coin de rue, force parfois la réflexion sur la manière de traverser telle ou telle zone. De manière générale, il s’agit souvent donc d’aller à un point A à un point B sans mourir (plus que de tuer des monstres sur son passage en tout cas). Mais cette linéarité ne se fait donc jamais sentir grâce notamment à des phases de plateformes ou à des personnages que l’on croise sur le chemin. À notre plus grande surprise mais pour notre plus grand plaisir.
Par ailleurs, les différents biomes (ainsi que l’histoire, mais l’on en dira pas plus sur le sujet) justifient l’introduction de nouveaux monstres. Une bonne surprise pour quiconque s’attendait à ne voir que des marionnettes en guise de victimes à éliminer. Des biomes essentiellement au service de l’histoire mais aussi au service du gameplay mais surtout de la personnalisation.
Pimp my P
Chaque monstre et surtout chaque boss est une opportunité de changer son équipement. De façon amusante et intelligente, les développeurs s’appuient sur les caractéristiques physiques de “P” pour construire sa propre façon de jouer : c’est une marionnette de bois dont on peut modifier le bras mécanique. Les jointures, les cartouches et les supports de renforcement servent de pièces d’équipement pour renforcer la défense de notre protagoniste.
Mais c’est surtout au niveau des armes que les possibilités sont multiples. Chacune d’entre elles (et il y en a un paquet !) sont composées d’une lame et d’une poignée, elles-mêmes disposant chacune d’une capacité particulière. Assez tôt dans l’aventure, il est possible d’assembler des armes entre elles. De quoi titiller le créatif en chaque joueur : on peut alors fusionner une manche de hallebarde avec une dague de feu ou une poignée de rapière avec l'extrémité contondante d’un marteau. En découle donc des pouvoirs différents mais aussi des styles de jeu (souple ou lourd par exemple) variés. On imagine non sans mal l’utilité de tous selon les boss rencontrés.
Pour construire sa marionnette de rêve, Lies of P permet au joueur de la personnaliser grâce à un système de talents : l'organe-P. C’est le quartz récupéré (sur des ennemis ou dans des coffres) qui permet de débloquer des talents passifs. Il y a les majeurs (avoir une seconde roulade, briser la posture ennemie avec des gardes dites parfaites, avoir un nouvel emplacement de talisman) qui nécessite a minima deux talents mineurs (puissance des attaques chargées augmentée, meilleur chargement de la fable…). Au-delà de ça, le jeu reprend, encore une fois, beaucoup des Souls.
À force de démanteler des ennemis, le joueur accumule de l’ergo. C’est la monnaie principale du jeu, utile à beaucoup de choses qu’il est aussi conseillé de dépenser ! Se balader les poches pleines peut-être dommageable. On le rappelle, le danger court à chaque coin de rue. La mort arrive vite et il serait dommage de perdre momentanément nos sous. Elle permet d’acheter des objets chez les différents marchands mais surtout d’augmenter de niveau. Chaque niveau permet d’augmenter ses statistiques dans cinq caractéristiques différentes : vitalité, capacité, légion, mobilité, progression et technique.
On aurait aimé, à défaut d’avoir des noms plus clairs, savoir avec plus d’assurer leur impact sur notre style de jeu. Quelque chose d’autant plus dommageable que Lies of P reprend, encore une fois, le scaling des armes sur vos statistiques. Chaque poignée a une lettre (D ; C ; B ; A ; S) en mobilité, en technique et en progression. Plus la note tend vers S, plus la statistique en question aura un impact avec la poignée. À la manière de l’affûtage dans Elden Ring, il est possible de modifier légèrement ce scaling grâce aux manivelles de chaque statistique.
Enfin, Lies of P intègre un système (et il est plus que recommandé d’en profiter) d’améliorations d’armes. En trente heures, les paliers d’amélioration donnent le sentiment d’être trop peu nombreux pour provoquer un sentiment réel de montée en puissance. Et c’est vraiment dommage ! C’est l’un de ses rares points noirs, malgré un système de personnalisation au poil. La majeure partie des boss vous font faire réfléchir à un build plus efficace pour les affronter, ajoutant une sensation de force une fois la victoire entre vos mains : j’ai tenté, j’ai raté, j’ai changé, j’ai raté mieux, j’ai re-tenté, j’ai réussi.
Peut-on se respécialiser en cours de run ?
C'est peut-être l'un des aspects qui peut fâcher. La respécialisation arrive après la bonne moitié de l'aventure (fin de l'acte VII). Toutefois, il existe suffisamment de matériaux à récupérer pour améliorer de manière efficace une bonne partie de son arsenal.
Une ambiance soignée, une direction artistique sans merveilles
Comme illustré plus haut, l’hôtel Krat est un lieu de passage obligé : c’est là que tous vos alliés sont réunis. Marchands, montée de niveau, amélioration d’armes… C’est l’endroit le plus sûr de Krat et de ses alentours. Un lieu paisible comme on en trouve nulle part ailleurs dans Lies of P. Il faut dire que les équipes derrière le jeu ont réussi à produire une ambiance parfaitement anxiogène à travers la dizaine de biomes parcourus. Cadavres par terre, bâtisses en ruines, villages désertés… C’est surtout grâce au décor que l’on s’immerge sans mal dans l’atmosphère glaçante de Krat. Un travail a aussi été apporté aux lumières (on voit régulièrement son ombre passer sur les murs ; la météo rarement radieuse contribuant aussi à broyer du noir. D’un autre côté, et malgré la variété des environnements que l’on traverse, on est rarement éblouis. Le WAOW que l’on peut avoir à la découverte se produit plus souvent pour le design d’un boss que pour la vue de beaux panoramas.
Des surprises peuvent toutefois arriver pendant l’exploration. On l’a dit, la mort est partout. Ne faire attention ne suffit plus, il faut carrément devenir paranoÏaque pour éviter tous les dangers qui rôdent : énorme boulet qui vous fonce dessus, ennemis armés d’une fourche qui attendent derrière un virage… Il y a même des poutres qui cassent lorsque vous essayez de tomber dessus ! On en a parlé précédemment, mais les bruitages participent réellement à l'immersion. Sans être mémorable, la bande-originale reste cohérente avec les biomes qu'elle illustre. Elle sait aussi monter en puissance, notamment sur les derniers heures de jeu.
Cette sensation de danger permanent est renforcée, et c’est selon nous l’une des grandes forces du titre, par les personnages. Le doublage en anglais (version originale) est d’excellente facture : on voit mal les personnages avoir des intonations différentes. Vegnini a un accent italien ; le roi des éngimes Arlecchino représente l’automate malin et sarcastique ; Sophia fait la remplaçante certaine des autres Mélina ou de la poupée des jeux FromSoftware.
Des choix faciles, des conséquences visibles : une réécriture intelligente
À ce sujet, l’écriture est l’une des grandes forces de Lies of P. En adaptant le conte de Pinocchio à la sauce FromSoftware, le jeu arrive à être suggestif sans être transparent. Au cours de son voyage, “P” est confronté à des dilemmes manichéens. Chaque question possède une réponse orientant la marionnette vers l’humanité ; l’autre pendant étant celui du simple pantin sans conscience. Le joueur peut donc être amené à mentir. Or, ces réponses façonnent les personnages qui l’entourent. Selon ses choix, des dialogues seront ouverts et il en apprendra plus sur tel ou tel personnage.
En résumé, nos réponses ont des conséquences. Mais à la différence des jeux From Software, Lies of P rend ce système très naturel à prendre en main. C’est probablement en reprenant ce conte très populaire de Pinocchio (dont le nez s’allonge quand il ment) qu’il est plus facile de se plonger dans les quêtes de chaque personnage, jusqu’à même motiver un NG+.
Par ailleurs, c’est à travers les nombreux PNJ du jeu que plusieurs thématiques sont abordées. Y sont mentionnées sans surprise celles du mensonge et de la vérité. L’amour y a aussi sa place avec des relations marionnettes/hulmains que l’on peut comparer à celles avec l’IA. L’humanité fait également office de sujet, ainsi que celui de l’ergo : une relecture de Lies of P nous tend à penser qu’il peut être comparé à l’égo, surtout grâce aux affrontements finaux.
Le NG+ de Lies of P, c'est quoi ?
À la fin de votre aventure, le jeu vous propose d'effacer votre partie actuelle pour en recommencer une nouvelle. Une opportunité de voir comment le monde qui vous entoure réagit avec un comportement différent. Vous conservez alors vos points de statisques, votre arsenal, les points de talents liés au quartz... Seuls les objets à collectionner devront être à nouveau récupérés.
Conclusion
Points forts
- Des combats de boss nerveux et exigeants super satisfaisants à termier
- On doit sans cesse réfléchir à de nouvelles façons d'aborder les boss
- Un doublage d'excellente facture
- Des choix qui ont des conséquences faciles à comprendre
- Une structure qui fait illusion sur sa linéarité
- Une réécriture du conte de Pinocchio très intéressante
- Une personnalisation riche, adaptée de façon intelligente à Pinocchio
Points faibles
- Pas d'effet "WAOW" dans l'exploration
- Une caméra parfois aux fraises
- Une courbe de progression pas linéaire
- Bestiaire assez léger
Note de la rédaction
Pour conclure ce test de Lies of P, le constat est simple. On en parlait même dès ses premièrs lignes : lorsque l'on joue à Lies of P, on a souvent le sentiment de jouer à un jeu FromSoftware. De quoi souligner les qualités des jeux tout en exacerbant ses défauts. Ils sont peu nombreux et minimes mais démontrent quand même FromSoftware reste un cran au-dessus et surtout le maître incontesté en la matière. Toutefois, Neowiz et Round8 livre une excellente copie. On retient les combats de boss nerveux et joussifs, une réflexion permanente de son build ainsi que les multiples choix de personnalisaton possible. Par ailleurs, cette réécriture du conte de Pinocchio montre facilement et de manière accessible comment nos choix et nos réponses peuvent avoir des conséquences sur le monde qui nous entoure. Avec Lies of P, Pinocchio n’est donc plus un pantin de bois rêvant d’être un jeune garçon puisqu’il est clairement dans la cour des grands.
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